WC

Laissez venir à moi l’urine et l’excrément,
Et prenez votre temps, évitez la sauvette,
Car confortablement assis sur ma lunette
Avec de la lecture on est au firmament.

Mais si vous libérez, outre ces éléments,
Un vent qui s’apparente au souffle des tempêtes,
Qui donc imiterait le son d’une trompette,
Mieux vaut que nul ne soit dans l’établissement :

Modeste est dans ce lieu l’isolation phonique
De plus la résonance est grandement tonique,
On pourrait croire ouïr l’alerte terroriste.

Sauf cet inconvénient, l’usager est ravi,
Pour que votre suivant partage cet avis,
Montrez vous en partant digne d’un hygiéniste.

Journal de nage 4

Au collège les choses s’améliorent.

Les professeurs sont plus respectueux (difficile de l’être moins que leur prédécesseur !) et le gain d’autonomie dans le travail me convient, mais ça n’est pas encore la panacée.

Deux d’entre-eux me feront remarquer que mes faibles résultats ne sont pas en lien avec un supposé déficit intellectuel dont je me crois victime en dépit des résultats des tests du psychologue en fin de CM2.

Le premier enseignait le sport, le l’ai eut jusqu’en 4ème et aux réunions parent-professeurs il louait à ma mère mes aptitudes intellectuelles (c’est assez cocasse que ce soit un enseignant d’une discipline qui est supposée peu concernée par ce domaine qui le fasse !). En tous les cas Mr Alfiéri y est pour beaucoup si j’ai surmonté le traumatise de ma scolarité au primaire.

Outre cette bonne âme, l’enseignante en français de quatrième, Mme Bodson, avait remarqué aussi que mes résultats scolaires qui restaient très moyens ne correspondaient pas à mes capacités de compréhension. Elle me l’a fait comprendre par une citation dont j’ai découvert il y a peu en l’inscrivant dans un moteur de recherche qu’elle n’était pas d’elle mais du philosophe Alain qui soutenait qu’il ne « fallait jamais céder à la tentation de se croire mal doué, ce qui est un genre de modestie très perfide »*.

Elle est extraite d’un texte qui prône « l’apprentissage de la difficulté » aux enfants que je traduirais par la confiance en soi ou mieux encore l’estime de soi.

Ces deux pédagogues du sport et du français (à jamais reconnaissant) ont participé à ce que je me considère mieux et se faisant m’ont fait aimer leur discipline, la maîtrise du geste et du verbe.

J’ai fait du premier mon métier auprès de personnes déficientes intellectuelles (hazard ?) et du second une passion dont vous êtes ici-même, les témoins et peut-être les victimes…

* « Bien partir n’est pas le tout. Il faut en toutes les entreprises une obstination héroïque. Quand il s’agit d’apprendre le violon, l’équitation ou l’escrime, chacun comprend qu’il faut recommencer bien des fois, et ne jamais céder à la tentation de se croire mal doué, ce qui est un genre de modestie très perfide. Or le courage de ceux qui apprennent ces choses devrait faire rougir ceux qui manquent de patience dans l’apprentissage qu’ils ont choisi. Et ce qui importe, quand l’apprenti croit qu’il manque de bonheur ou d’adresse, c’est que le maître lui rappelle et lui prouve qu’il manque seulement de courage. Ce reproche pique comme il faut. L’éducation est ce précieux moment où la lutte contre l’obstacle extérieur peut toujours être changée en une lutte contre soi. Il est rare que l’homme cède à lui-même. C’est ainsi que je formerais l’enfant à chercher et à aimer la difficulté. »

Alain

Journal de nage 3

À l’école, ça n’allait pas fort.

Je passais laborieusement de classe en classe. Au CM1 j’avais accumulé tellement de retard que l’on me fit redoubler.

Au CM2, rebelote, le « Maître » qui était aussi directeur de l’école s’opposait à mon passage en 6éme et à l’époque il avait presque tout les pouvoirs, même celui de gifler avec ses grosses mains couvertes de craie les cancres de ma sorte. Une fois j’ai faillit m’évanouir tellement il y mettait du cœur.

Pour assoir sa décision il se basait sur un test d’intelligence dont le résultat apparaissait sous la forme d’une toile d’araignée reprenant les différents domaine de l’évaluation, mémoire, raisonnement… etc… La mienne était minuscule, je n’aurais pas pu y piéger un moucheron.

En dessous, l’examinateur devait indiquer les qualités de l’élève, il y inscrit le mot « Néant ».

La requête insistante de ma mère (à jamais reconnaissant) auprès de l’inspecteur d’académie étayée par l’avis d’un psychologue eut raison de son choix.

Amer, Mr Lapointe me prédit une classe spécialisée en 5ème et une profession manuelle (c’est dire le mépris qu’il avait pour elles !).

Il arrivait que les portes de la piscine me soient fermées quand j’arrivais le dimanche matin à l’ouverture pour cause de vidange ou de compétition. Dans ce dernier cas, je noyais ma déception en suivant les courses bon an mal an derrière les vitres embuées.

J’enviais les compétiteurs mais je ne songeais même pas à demander à mes parents de m’inscrire à « Villerupt Natation » convaincu que je n’avais pas les capacités pour intégrer l’effectif.

La confiance que je me portais était proche du néant.

Journal de nage 2

Ça ce passait à Villerupt, une ville ouvrière du Nord-Est de la France. Il s’agissait essentiellement d’extraire du minerais de fer et de le transformer. L’aciérie crachait des flammes rouges orangées. Quand elle s’est éteinte, la nuit devenue noire semblait porter son deuil.

Au retour de la piscine, Gribouille et Noiraud, les deux chats de la maison m’accueillaient en haut des escaliers en miaulant puis me suivaient jusqu’à la table du séjour où je m’asseyais.

Je penchais alors la tête de manière à ce qu’ils puissent plus facilement atteindre mes cheveux encore mouillés avec leur langue râpeuse.

J’ai connu plus agréable comme sèche-cheveux mais rarement plus affectueux.